Programme

L’objectif principal de TRICUD est de mieux comprendre comment la migration transforme tant les sociétés d’origine au Sud que les sociétés d’arrivée au Nord. Il est largement reconnu que la migration internationale a toujours été tant la cause que le  résultat de modifications économique, politique, sociale et culturelles. C’est une dimension clé de mondialisation. Les migrations internationales affectent la dynamique des identités, le processus de diversification culturelle et des représentations sociales dans des milieux urbains   au Nord comme au Sud. Les migrations ont aussi incité la formation d’espaces sociaux transnationaux connectant pays d’origine et   de destination. Ce phénomène est observable entre la Belgique et certains des pays d’origine de sa population immigrée. La République démocratique du Congo et le Maroc sont  à cet égard deux études de cas stratégiques.

Les villes dans l’Union européenne hébergent  une large variété d’affiliations et d’identités ethnoculturelles et nationales. La diversité ethnoculturelle et nationale européenne est actuellement défiée et pressurisée par le processus de mondialisation. D’une part, l’uniformisation de culture de masse est une tendance qui accompagne ce processus. Mais d’autre part et selon la littérature spécialisée, la diversité va probablement augmenter. Les diverses formes  d’identités culturelles, ethniques, nationales, religieuses et post-nationales apparaissent dans la sphère publique européenne et se reconstruisent comme une réponse à la tendance vers l’uniformisation. Cela a été particulièrement bien observé au niveau urbain. Il peut être préconisé que l’Union européenne est entrée, particulièrement au niveau local, dans un processus de fragmentation qui pourrait être appelé  la diversification de diversité, un processus qui suit des modèles spécifiques et appelle à un débat européen spécifique des formes  européennes de diversité ou des diversités européennes.

La migration est une source importante de la diversification de la diversité. Les migrants viennent du monde entier  suivant de nouveaux modèles de migration par rapport aux  périodes précédentes d’immigration industrielle. Certains d’entre eux s’installent et s’adaptent culturellement à leur nouvel environnement en enrichissant simultanément les cultures locales et la variété d’identités ethnoculturelles. D’autres  entretiennent  des liaisons et des activités transnationales. Les immigrants et les populations d’origine immigrées dans des villes européennes vont  sans aucun doute augmenter dans le futur. En conséquence, de nouveaux modes de vie, de nouvelles religions, de nouvelles visions du monde, de nouvelles cultures sont constamment présentés dans le tissu social de l’Union européenne d’une façon plus ou moins lisse et peuvent être représentés par les mêmes migrants dans les pays d’origine. Les technologies de la communication et la facilité de transport international  ont permis des communautés immigrées dans l’UE à jouer des rôles de plus en plus significatifs dans leurs sociétés d’origine. La littérature spécialisée a massivement exploré la question du point de vue des transferts économiques et financiers. Une focalisation exclusive sur les transferts de fonds mène cependant à une évaluation biaisée de la dynamique réelle de changement social dans la vie concrète, des valeurs culturelles et des normes produites par la migration dans les sociétés d’origine du Sud.

Les relations entre des Etats, des organisations supranationales et une population qui est de plus en plus diversifiée constituent une préoccupation  majeure pour n’importe quelle réflexion  sur les démocraties modernes : quelles réponses politiques émergent en réponse aux revendications identitaires et aux demandes pour  la conservation de spécificités culturelles ? Comment les États-nations et l’Union européenne peuvent-ils intervenir dans la gestion  de la diversité culturelle ? Comment l’Union européenne, peut-elle traiter avec la croissance de son caractère  multiculturel, multi-religieux et  multiethnique  de facto tout en réaffirmant simultanément ses espérances démocratiques et en affrontant l’inégalité sociale et économique   et l’exclusion croissantes? Le problème du début du troisième millénaire n’est pas de choisir entre la construction d’une société européenne multiculturelle et la construction d’une société culturellement homogène. Il s’agit plutôt que chaque société, y compris l’Union européenne,  soit mise au défi  façonner une sorte de multiculturalisme adapté à sa population et à son histoire afin de  concilier  la diversité culturelle et identitaire observable, d’une part, avec  l’indispensable cohésion sociale, économique et politique, d’autre part. Autrement dit, comment l’Union européenne peut-elle combiner la recherche d’une société plus unie et intégrée en promouvant en même temps les facettes diverses de sa diversité et en favorisant plus d’égalité sociale et économique ?

Pour mieux comprendre la dynamique des identités, les processus de diversification culturelle et la dynamique des représentations dans les villes affectées par la migration internationale et les pratiques transnationales des immigrants tant en Belgique que dans deux pays d’origine, la recherche sera effectuée dans trois directions principales, qui consistent dans les 3 projets de recherche de cet effort concerté :

La ville post-migratoire et les flux transnationaux

Ce projet aborde de la question du  transnationalisme migratoire d’une façon innovante. La question principale est ici de comprendre d’un point de vue holistique comment et sous  quelles   conditions se développent  les échanges (culturel, religieux, économique, politique, etc.) entre des communautés et des réseaux diasporiques, d’une part et des communautés correspondantes dans le cadre  urbain du sud d’origine? Quelle est la pertinence d’interactions transnationales pour la vie sociale tant dans les villes du sud d’émigration que dans les villes du nord d’immigration ? Quelle est la pertinence d’activités transnationales de (et pour)   les logiques sociales et les valeurs culturelles au sud ?

La dynamique des identités.

En donnant suite aux recherches précédemment menées  par le CEDEM et CLEO, ce projet examinera les effets de la migration et des pratiques transnationales des migrants sur l’opinion publique et la formation des identités et le changement de groupes tant minoritaires que majoritaires dans les villes d’immigration et dans les villes d’émigration. Des pratiques transnationales se développent-elles ensemble avec des identités post-nationales, post-ethniques ou cosmopolites ? Au contraire, contribuent-elles à renforcer des identités ethniques et des identités nationales de populations tant  immigrées que majoritaires çà et là? La question  des liaisons réciproques entre le transnationalisme des immigrants et la dynamique des identités reste fortement  problématique. Ce projet  contribuera à y répondre tant empiriquement que théoriquement.

Le processus de diversification culturelle.

Cette partie du programme examinera comment se développe le processus de diversification culturelle au niveau local. En quoi consiste-t-il ? Comment diffèrent en termes de génération, de genre, de classe, de religion et de culture les communautés réelles  ou imaginées? Comment la production culturelle est-elle utilisée par des groupes majoritaires et minoritaires pour interagir, ou empêcher des interactions sociales dans les   villes et les quartiers? Via quels réseaux sociaux, quelles institutions et quelles pratiques ? Comment tout cela rencontre-t-il  le discours officiel sur la citoyenneté et l’interculturalisme et les politiques  locales correspondantes ?

Ce programme a choisi d’étudier les relations entre la migration et le changement en liant ensemble  les contextes urbains pré- et post-migratoires abordés comme formant un espace social transnational. L’idée est de considérer que les modèles de coexistence entre des majorités et des minorités dans le contexte urbain de l’Etat de réception sont formés par des processus transnationaux prenant leurs racines dans les pays d’origine et impliquant   l’interaction « de diasporas ». Donc, le programme de recherche considère les questions d’identités majoritaires et minoritaires et des représentations dans les villes réceptrices de migrants. Ce sera réalisé principalement par la combinaison de méthodes quantitatives et qualitatives. Le projet déplacera alors son focus en amont pour comprendre les processus qui affectent les modèles de coexistence multiculturelle dans les villes. Pour approfondir la connaissance de la diversification culturelle, le projet examinera deux études de cas relativement peu étudiées  à savoir le rôle des arts et des cultures des migrants et la question de la migration et du développement.

Afin de rassembler des données ethnographiques, le travail sur le terrain sera conduit dans trois villes : une en Belgique (le grand Liège), une en République démocratique du Congo (Kinshasa) et une au Nord du Maroc (Oujda).